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Renaud De Looze : Un Pépiniériste Entrepreneur Et Innovant

Renaud de Looze : un pépiniériste entrepreneur et innovant

Gilles Cavalli : Bonjour, je suis Gilles Cavalli Cavalli d’Agrifind, aujourd’hui avec Renaud De Looze de Looze pépiniériste à Saint-Nazaire-les-Eymes dans l’Isère et son entreprise s’appelle la Palmeraie des Alpes. Renaud est également auteur d’un livre : « L’urine, de l’or liquide au jardin ».

Est-ce que tu peux te présenter en quelques mots ?

Renaud De Looze : Bonjour, je suis ingénieur, à la base j’ai travaillé dans l‘industrie, et j’ai voulu me reconvertir dans l’agriculture et ai donc démarré cette activité de pépinière en 1995 en Isère. On ne parlait pas de réchauffement climatique à l’époque, par contre moi j’avais constaté qu’il faisait chaud et je me suis dit que c’était bizarre qu’il n’y ait pas de plantes méditerranéennes dans la région. Étant originaire de Belgique, où là franchement il fait froid, j’ai fait une petite étude technique et me suis rendu compte que c’était tout à fait possible de planter pas mal de plantes méditerranéennes dans notre région Rhône-Alpes.

 

Gilles Cavalli : Et qu’est ce qui t’as permis d’avoir ce succès et d’entreprendre de 1995 à aujourd’hui, avec des palmiers dans les Alpes ?

 

Renaud De Looze : Déjà le produit était insolite mais il était vraiment attendu. Il est très lié au marché des piscines, donc ça veut dire que dès que t’as une piscine dans ton jardin, tu as besoin d’agrémenter et les plantes méditerranéennes collaient bien à ce marché-là.

Ensuite, ce qui important pour le commerce, c’est l’emplacement. Vraiment, j’ai bénéficié d’un très joli emplacement dans une région qui est bien à tous niveaux : c’est-à-dire qu’il y a du monde, avec un certain pouvoir d’achat et je me suis placé en bordure de route nationale. La Palmeraie des Alpes, à cet endroit-là, c’était un bon choix.

 

Gilles Cavalli : Pour ceux qui ne connaissent pas, tu es à proximité de Grenoble c’est ça ?

 

Renaud De Looze : Oui c’est ça, le Grésivaudan c’est entre Grenoble et Chambéry.

 

Gilles Cavalli : Et au cours de ces années, tu as réussi à développer une expertise dans les domaines de l’irrigation et des engrais naturels, est-ce que tu peux nous en parler un petit peu ?

 

Renaud De Looze : Étant donné que je n’ai pas l’eau de la nappe : j’ai l’eau de récupération des eaux de pluie, et l’eau du réseau, qui est quand même assez chère, c’est un peu bizarre d’arroser des plantes de pépinière à l’eau potable, mais bon je le fais…

Mais surtout, j’ai mis en place un système de sub-irrigation par ascension capillaire. C’est-à-dire que les plantes reposent sur un lit de sable mouillé et donc du coup l’eau remonte dans les pots par capillarité tout simplement. Et ça marche très très bien, il y a juste l’été où je suis obligé de rajouter 1 ou 2 mm par jour supplémentaires.

Ce système me permet d’irriguer avec de l’eau de pluie pendant l’intersaison et si jamais l’été il fait trop chaud je suis obligé de rajouter de l’eau du réseau. Mais enfin, globalement, la facture d’eau n’est pas un poste trop important parce que ce système est assez économique en eau. Et en plus, ça permet de recycler les eaux de percolation. C’est-à-dire que si jamais j’arrose mes plantes, l’eau qui percole dans les pots, c’est-à-dire qui traverse, elle est récupérée parce que tout est étanche. Donc en fait, je perds peu d’eau, et peu d’eau fertilisante.

 

Gilles Cavalli : Donne-nous une petite idée de la dimension de ta structure en termes de m², de mètres linéaires, de nombre de plantes commercialisées ?

 

Renaud De Looze : J’ai deux sites. J’ai un site pleine terre où là ça pousse tout seul et je n’en parle pas c’est un petit peu ma palmeraie secrète. Et après j’en ai un autre donc qui est le site commercial où je travaille une parcelle de 6000 m² sur lesquels j’ai mis en place ce système d’arrosage. En fait c’est vraiment une pépinière sur le lieu de vente. Mais au départ c’était pas comme ça : au départ c’était des plantes en mottes dans des jauges qu’on enlevait etc. Et c’est au fur et mesure que je me suis rendu compte qu’il fallait que je mette mes plantes dans des pots, pour qu’elles soient prêtes à l’emploi, prêtes à partir à tout moment et rapidement. Logiquement ensuite, s’est posée la question de la fertilisation. Donc là j’ai fait une étude un peu technique sur la fertilisation minérale. J’ai aussi mis au point un système avec du fumé de ver de terre et de la farine de plume. Parce que le fumé de ver de terre, c’est pas mal, parce que ça permet de vraiment recycler la totalité des déchets et après de compléter avec la farine de plume qui est un super engrais azoté.

Ah oui, j‘ai aussi tâter un peu l’hydroponie, donc ça c’était les engrais bien purs. Et je me suis rendu compte à force de regarder tout ça qu’un produit n’était pas du tout exploité, c’était l’urée et l’urée naturelle. Je me suis dit c’est vraiment étonnant que personne ne parle de l’urée. On parle du lisier mais on parle pas de l’urée et de l’urée naturelle. Et comme les écolos commençaient à monter un peu en puissance, je me suis dit : « c’est quand même incroyable qu’ils n’en parlent jamais ». On parle toujours du compost, on ne parle jamais de transformation de l’urée en azote assimilé par les plantes et en phosphore non plus. Parce que dans l’urine, il y a aussi du phosphore, qui est un élément minéral important. Donc NP d’origine naturelle n’était pas étudié. Je m’y suis intéressé de près il y’a 5 ans en arrière de ça. Depuis le début je me suis toujours mis au compostage, au lombricompostage. J’avais même bénéficié d’une subvention puisque j’arrivais à obtenir des nitrates naturels à base de fumier. Tout simplement donc je prenais du fumier puis je faisais une solution nutritive c’est-à-dire que je faisais tourner de l’eau et au bout d’un moment l’azote qui était contenu dans le fumier passait dans l’eau et passait sous la forme de nitrate. Ça je l’avais appelé « umur liquide ». Je m’étais dit « bon c’est quand même une grosse galère pour avoir des nitrates d’origine naturelle » et j’ai laissé tomber. Et après je suis retombé sur la piste de l’urine. Et je suis rentré en réseau avec des gens qui faisaient ça à grande échelle notamment en Suisse, où là ils commercialisent carrément un engrais, c’est un ammo-nitrate (nitrate d’ammonium) mais d’origine complètement naturelle à base d’urine récupéré dans un bâtiment tertiaire.

 

Gilles Cavalli : Ok, et aujourd’hui ça fait partie des engrais que tu utilises ?

 

Renaud De Looze : Alors il faut savoir que l’urine n’est pas un engrais autorisé. Donc du coup je veux dire moi j’ai que des engrais autorisés pour la vente. Mais par contre, ce qui m’importe, c’est que les clients aient des belles plantes. Donc je leur propose un produit au départ de qualité, du terreau de qualité et des engrais de qualité. Et après, je leur propose de faire des économies en disant : « écoutez, si vous voulez pas acheter d’engrais », parce qu’il y a des gens qui ne veulent pas acheter d’engrais, « vous avez une solution simple, c’est l’urine, la cendre de bois et le compost ». Et là ce moment-là, je leur fais le topo on va dire, sur comment faire composter, comment faire pour appliquer urine et cendre de bois parce que la cendre de bois c’est un engrais minéral qui est quand même 10 fois plus fort que l’urine donc il faut pas trop en mettre.

 

Gilles Cavalli : Donc ce savoir-faire au sujet des amendements et des engrais, tu le mets à profit en conseil auprès de ta clientèle.

 

Renaud De Looze : Exactement.

 

Gilles Cavalli : Et c’est aussi ça que les gens viennent chercher chez toi ?

 

Renaud De Looze : J’ai aussi un engrais minéral que les horticulteurs doivent connaitre, c’est Coïc-Lesaint, c’est un standard en horticulture. Donc j’ai un engrais qui est un peu une formule Coïc-Lesaint, que je propose aux particuliers. Je ne suis pas le seul à le faire, je sais qu’il y a d’autres horticulteurs qui font pareil. Et ce sont des engrais qui, en 2-3 jours, donnent des plantes fantastiques. Donc ça je le fais, mais ça c’est d’origine, j’achète les sels minéraux et je fais le mélange moi-même. Certains de mes clients j’ai des gens me qui disent : « moi c’est bio, bio, bio ». Ok, il y’a pas de soucis j’ai la solution, et la solution elle est plus que bio puisque c’est vraiment vous, ce sont vos déchets à vous. C’est vous qui les réutilisez et qui les revalorisez sous forme d’engrais. En fait, moi ce qui m’intéresse, c’est que les gens comprennent bien comment les plantes elles poussent, car les gens ont tendance à dire : « oui mais il n’y a pas besoin d’arroser, ça pousse tout seul, il n’y a pas besoin de fertiliser je mets du compost ». Et en fait, il y’a plein d’aprioris, les aprioris sont véhiculés par plein de gens qui parlent de ça, et nous les professionnels on a notre mot à dire.

Moi en tant que professionnel, je revendique de connaître comment les plantes poussent, pas tout connaître par contre mais connaître quand même un bout, et de savoir que il y a besoin d’eau, une certaine quantité d’eau par m² et puis une certaine quantité de minéraux. Les plantes mangent le carbone par les feuilles, mais par contre par les racines elles vont prendre des minéraux. Par les feuilles elles prennent quand même de l’urée aussi, les gens ne savent pas non plus mais on peut tout à fait faire de la fertilisation foliaire aussi. Donc les gens viennent aussi pour ça.

 

Gilles Cavalli : Merci. Quel conseil tu pourrais donner à un horticulteur ou à un pépiniériste qui souhaite performer et avoir une entreprise qui tourne bien, et s’améliorer ?

 

Renaud De Looze : Déjà avoir des bons produits, avoir des plantes de qualité, des belles plantes. C’est vraiment important. Donc pour savoir si on a des belles plantes, moi je dis, il faut toujours se comparer à la concurrence et à ses fournisseurs. C’est ce qu’on appelle le benchmarking, mais c’est vraiment fondamental. C’est tout le temps se dire : « Est-ce que mon produit est aussi bon que les autres ou pas ? ». Et tant que les autres sont meilleurs que moi et que je ne sais pas pourquoi ils sont meilleurs que moi, là j’ai un problème.

Donc je dirai tout d’abord : avoir un produit qui soit aussi bien, aussi bon que les autres et tant qu’à faire mieux. Mais si déjà on est aussi bien que les autres c’est déjà bien. Parce qu’on est sur des produits quand même techniques.

 

Gilles Cavalli : Merci. On a atteint le terme de cet échange. Pour conclure, quel est ton rêve d’agriculteur, de professionnel ?

 

Renaud De Looze : J’aimerais faire un parc botanique avec toutes les variétés, leur histoire etc. Donc je crois que là-dessus je vais avoir un peu du mal à créer ce petit parc. Par contre j’aimerais bien créer un musée : un musée de l’agronomie. Avec tous les savants, tous les gens qui ont travaillé là-dedans, tous les DESOSUR. Enfin tous ces gens-là, j’aimerai bien parler d’eux.

 

Gilles Cavalli : Parfait. Et bien merci beaucoup Renaud. Tu as été interviewé il y a quelque temps par Damien Dekarz sur sa chaine Youtube qui s’appelle « Permaculture, agroécologie, etc ». Et il se trouve que la vidéo « L’urine, de l’or liquide au jardin » a fait quasiment un million de vues pour un sujet technique qu’on pourrait croire un petit peu éloigné ou qui fait un petit peu peur c’est impressionnant.

Renaud De Looze : Merci à toi !

 

Gilles Cavalli : Excellente continuation à tous et à très bientôt pour une nouvelle interview sur Agrifind !

 

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