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« Allier Performances Techniques, économiques Et Temps Libre : Les Conditions à Remplir Pour Assurer L’avenir Du Métier D’éleveur » Rémi Massol éleveur Ovin Viande Dans Le Tarn

« Allier performances techniques, économiques et temps libre : les conditions à remplir pour assurer l’avenir du métier d’éleveur » Rémi Massol éleveur ovin viande dans le Tarn

Gilles Cavalli : Bonjour et bienvenue dans ce nouveau podcast d’Agrifind, je suis aujourd’hui avec Rémi Massol qui est éleveur ovin viande dans le Tarn.

Rémi, l’idée de cet échange est de parler de deux sujets liés à votre activité d’éleveur, la reproduction en monte naturelle et l’organisation du travail. Mais tout d’abord je souhaiterais que vous puissiez vous présenter en quelques mots.

Rémi Massol : J’ai 48 ans. Je suis éleveur dans le nord du département du Tarn. C’est une région naturelle qui s’appelle le Ségala tarnais. À environ 500 mètres d’altitudes, j’ai 50 hectares, sur lesquels j’élève 520 brebis, orienté dans la production viande tout label rouge, et cela depuis 1993. J’adhère aussi à une IGP Aveyron qui est une autre marque d’identification et de qualité. Cela permet d’adhérer à des démarches de qualité qui correspondent à des créneaux de commercialisation bien précis. J’ai une formation agricole qui est à la base d’un Bac D+ et un BTS. J’ai décidé de reprendre l’exploitation de mes parents en 1993.

Gilles Cavalli : Merci. Et pour vous la motivation ou la réussite d’un agriculteur, où se situe-t’elle ?

“La réussite de l’agriculteur c’est la performance et l’indépendance tout en y associant une vie de famille.”

Rémi Massol : Pour moi, disons que la réussite d’un agriculteur ou d’un éleveur c’est d’arriver à allier une performance technique et économique. Arriver à vivre correctement de son travail et pouvoir y associer une vie de famille et une vie normale, comme d’autres catégories socio-professionnelles. Et ensuite aussi, rester indépendant le plus possible de toutes les structures qui aujourd’hui pèsent sur le monde agricole et qui font tout pour l’absorber.

Gilles Cavalli : Justement par rapport à cette vie normale, avoir du temps libre et avoir une vie de famille, j’aimerais que vous puissiez évoquer comment est-ce que vous réussissez à vous organiser pour vous dégager du temps, week-end et vacances bien que vous soyez éleveur et que l’on sait que l’élevage demande beaucoup de présence.

Rémi Massol : Ca c’est un travail de longue haleine. Je suis arrivé à le mettre en place, mais cela ne me suffit pas tout à fait puisque je ne bénéficie pas encore de tout le temps libre que j’aimerais avoir. C’est parti de l’idée avec un voisin, une motivation à deux pour essayer de se dégager du temps parce que lui étant éleveur aussi il était contraint à beaucoup de présence tous les jours. On a donc décidé de s’entendre pour faire des remplacements occasionnels pour des week-ends à l’année ou des jours fériés, et ensuite des remplacements plus longs pour les vacances d’été. Cela dit, on n’est pas encore à cinq semaines de congés par an, on est à deux fois huit jours à l’année et un ou deux week-end en échange avec lui.

Quand il n’est pas disponible, je fais appel à une association de remplacement qui est gérée au niveau du département du Tarn, à laquelle j’adhère. En payant des cotisations on m’envoie un remplaçant quand j’en ai besoin. J’ajoute qu’elle permet de couvrir les problèmes de maladies ou d’accidents. J’y ai eu recours il y a quelques années.

Gilles Cavalli : Merci pour ce partage.

« Organiser son temps libre notamment à l’aide de remplacements »

Rémi Massol : Mais je pense que c’est propre à l’élevage, en grande culture le problème est différent mais en élevage la présence est quotidienne, tous les jours, les week-ends, jours fériés, Noël, premier de l’an lendemain de fête où il faut être là. Dans les nouvelles générations pour que les gens puissent s’accrocher à ce métier d’éleveur cela sera un facteur essentiel : la prise de temps libre et l’organisation du temps libre. Elle peut se faire pour les gens qui travaillent en GAEC, en EARL ou en binôme sur des exploitations en permanence c’est plus facile. Mais pour les gens qui sont seuls comme moi, une possibilité est de faire la démarche d’aller vers un voisin, tendre la main ou si lui vous la tend de lui répondre : « oui je suis là pour que l’on puisse te remplacer pour que tu puisses profiter de ton temps libre, de ta famille, de tes enfants et des loisirs ». Mais c’est un passage essentiel je pense pour le maintien de l’élevage dans les années à venir.

Gilles Cavalli : Merci. Le deuxième sujet que je souhaitais aborder avec vous Rémi est plus technique, par rapport à la reproduction naturelle sans recours aux traitements hormonaux même à contre-saison, j’aimerais savoir pourquoi et comment cette technique s’est mise en place sur l’exploitation ?

« La reproduction dessaisonnée peut se faire à l’aide de techniques naturelles »

Rémi Massol : Tout d’abord, j’ai plusieurs périodes de reproduction sur mon exploitation. C’est-à-dire qu’un troupeau de brebis est conduit en plusieurs bandes, il y en a trois. Il y a plusieurs périodes de lutte, on en a une qui se situe au mois de juillet, une autre en novembre et l’autre au mois d’avril.

Celle qui se situe au mois de novembre n’est pas trop problématique puisque c’est une saison de reproduction naturelle pour les brebis, elles passent en chaleur assez rapidement avec la réduction des jours. Donc à ce moment-là c’est assez facile.

C’est plus compliqué par contre comme on le fait aux mois de juillet et d’avril où l’on dit que les animaux sont en contre saison c’est-à-dire que l’augmentation de la durée des jours fait que les animaux ne vont pas dégager les ovulations assez rapidement, ou de façon très synchronisée. Donc on peut avoir recours aux traitements hormonaux mais ils fatiguent les animaux, cela engendre des problèmes de pollution et des problèmes de coût. J’ai donc décidé depuis bientôt 18 ans d’abandonner tous ces systèmes de traitement là, pour uniquement stimuler mes brebis et les préparer à la lutte par des méthodes naturelles.

Ce sont des méthodes assez simples, qui sont bonnes et surement connues de tout le monde, il suffit de les mettre en œuvre. Une des conditions c’est d’avoir des animaux qui soient en très bon état corporel, en très bon état sanitaire, au moment de les mettre à la reproduction. Les brebis doivent être taries et il faut anticiper cette période de reproduction avec une alimentation choisit et calculée à base d’éléments grossiers comme du foin, de l’enrubannage ou de l’ensilage pour ceux qui en font. C’est une période aussi où les animaux vont à l’extérieur donc cette ration permet de compléter un peu l’herbe pâturée tous les jours. Et puis il faut rajouter du concentré à base de céréales progressivement et tout ça avant la mise au bélier, pendant la période de lutte et bien au-delà du retrait du bélier.

La stimulation se fait aussi à l’aide de condiments minéraux élaborés avec des plantes stimulantes notamment avec du fenugrec, du thym, ce sont des choses que je trouve dans le commerce. Cela permet de déclencher le cycle sexuel de la brebis.

Pour synchroniser aussi les animaux on met les brebis en contact avec les béliers mais en contact uniquement visuel pendant 12 jours. Au 13ème jour, on lâche les béliers dans le lot de brebis destiné à la lutte, et ce contact visuel de 12 jours permet le déclenchement des chaleurs et les ovulations chez les animaux qui vont à ce moment-là se cycler.

Ensuite je contrôle les béliers une fois que les béliers sont lâchés dans le lot de brebis, d’une marque avec un marqueur sur leur poitrail ce qui me permet tous les matins de vérifier le nombre de saillis qu’il y a eu. Et comme ça j’arrive à voir l’évolution de la période de reproduction si le nombre de saillies est suffisant et si ça se déroule bien.

Une fois que cela est fait, je laisse veiller 4-5 semaines, et ensuite je les retire et je fais une échographie systématique 40 à 45 jours après le retrait du bélier, ce qui me permet d’éliminer les brebis qui ne sont pas en gestation, de les passer dans un autre lot ou de les réformer définitivement si cela fait la deuxième lutte pendant laquelle elles ne saillissent pas.

Voilà le déroulement d’une lutte, ce sont des choses qui fonctionnent très bien, après ce sont des choses que je peux détailler de façon plus précise.

Gilles Cavalli : Très bien, alors je vais tenter un résumé sur ce qu’on pourrait appeler les facteurs clefs de succès de la mise à la lutte dessaisonnée. Une alimentation choisie, des compléments minéraux, un contact visuel dans un premier temps entre le bélier et les brebis puis des phases de reproductions avec un suivi précis avec ce marquage et enfin des échographies qui donnent des choix de réformes, et cela permet de se passer des hormones pour réussir trois bandes par an de brebis en élevage ovin viande ?

« La bonne maîtrise technique me permet d’obtenir des résultats très corrects »

Rémi Massol : Oui chez moi cela fonctionne très bien puisque j’ai un taux de mise à bas qui est de 125%, j’ai un taux de fertilité qui oscille entre 82 et 90% et un taux de prolificité qui est autour de 1,95 à 2 et j’arrive à sortir 2,2 à 2,25 agneaux par brebis par an donc ce qui donne une bonne marge technique, ce sont des résultats qui sont corrects, voire très corrects.

Gilles Cavalli : Parfait, et bien merci de ce témoignage factuel et très précis. Une dernière question pour clore cet échange. Votre rêve d’agriculteur, quel est-t-il ?

Rémi Massol : Les rêves, je pense comme tout le monde en avoir plusieurs, mais je dirais quand même que le rêve de mon métier c’est d’être autonome dans mon travail, me libérer pour ma vie privée ça c’est très important et ensuite une chose qui me parait de plus en plus illusoire mais qui reste vraiment un rêve à approcher c’est de fixer mes tarifs de vente.

Gilles Cavalli : Très bien, ce sont effectivement des choses auxquelles les uns les autres peuvent légitimement aspirer en tant que professionnels du monde agricole et éleveurs en particulier. Merci pour cet échange, aujourd’hui avec Rémi Massol, éleveur ovin viande dans le Tarn qui a mis en avant des éléments spécifiques de son organisation de travail et de sa maitrise de la reproduction. A très bientôt pour un nouvel échange avec un acteur du monde agricole sur le blog d’Agrifind, au revoir à tous !

Et vous, pensez-vous que l’on peut arriver à concilier performance et rendement de l’exploitation avec temps libre et vie de famille ? Quelles sont les techniques que vous utilisés ? Vous pouvez témoigner ci-après.

Pour développer vos compétences: Accédez ici à la plateforme Agrifind

Crédit photo : Rémi Massol / Unsplash

 

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