La télédétection, une réelle solution pour un suivi azoté de précision ?
Le gain issu de l’optimisation des apports d’azote peut être multiple : agronomique avec l’augmentation du rendement, économique avec une meilleure gestion des doses ou encore environnemental en diminuant les pertes. L’enjeu réside dans la précision et dans l’ajustement des doses à l’échelle intra-parcellaire. La télédétection peut répondre à cet enjeu.
Les objectifs du suivi azoté de précision : l’optimisation de la fertilisation
De nombreux outils existent pour la gestion au champ, N-tester, Dualex, Jubil, PILazo… Ajuster les besoins de la culture et les fournitures d’azotes est une des préoccupations majeures des agriculteurs. Agronomiquement parlant, répondre aux besoins réels de la plante permet d’augmenter l’efficience de l’azote et optimise la production de biomasse. Outre le gain économique que cela peut engendrer, l’élaboration de systèmes économes en azote réduit les risques environnementaux : fuites dans les eaux, eutrophisation ou encore émissions de gaz à effet de serre (N2O).
Le but de la télédétection est de proposer une méthode d’évaluation non invasive de l’état végétatif des cultures, évolution de la biomasse, stress azoté, etc… Le traitement des images modélise la variabilité spatio-temporelle des cultures au niveau intra-parcellaire. Elle doit permettre d’ajuster les apports d’azote en cours de campagne et en fonction de l’hétérogénéité des parcelles.
La télédétection permet un suivi non invasif de l’état des cultures. Elle permet d’ajuster les apports d’intrant en prenant en compte l’hétérogénéité intra-parcellaire.
La télédétection, comment ça marche ?
La télédétection permet un suivi à plusieurs échelles via : les images satellites, les images issues d’ULM, de drones, ou encore de caméras embarquées sur le tracteur. Elle constitue un ensemble de techniques qui vont, via des capteurs optiques, mesurer les rayonnements non absorbés et/ou réfléchis par la culture et/ou le sol (réflectance).
Le rayonnement est constitué de multiples « longueurs d’ondes » allant de l’ultra-violet (UV) à l’infrarouge (IR) en passant par le spectre lumineux visible. En captant les longueurs d’ondes issues de la réflectance, l’outil de télédétection va être capable de retranscrire les caractéristiques du couvert alors invisible à l’œil nu.
Une plante est constituée d’une multitude de pigments, de processus physiques et chimiques dont les composants vont absorber des longueurs d’ondes spécifiques. L’interaction entre la plante et le rayonnement solaire est appelée « réponse spectrale ».
Chaque culture aura donc une réponse spectrale propre, corrélée à ses stades de développement et en fonction des teneurs en éléments des organes végétaux (notamment en chlorophylle). Ainsi, la combinaison de certaines longueurs d’ondes en « indice de végétation » vont traduire une quantité de biomasse, quand d’autres combinaisons vont pouvoir évaluer le statut azoté de la culture.
La combinaison des longueurs d’ondes réfléchies par une plante va traduire son état physiologique. Cela permet de faire un pilotage précis et dynamique en fonction des besoins de la culture, et ce, à l’échelle parcellaire.
Et en termes de résultats, ça donne quoi ?
Par exemple, le suivi azoté peut être réalisé par le calcul de l’Indice de Nutrition Azotée (INN). Il traduit, pour chaque espèce et à une date donnée, la teneur en azote au-delà de laquelle la biomasse n’augmente plus de façon significative. Cet indice nécessite alors de connaitre la biomasse réelle de la culture à un instant t, et son comportement de croissance face à l’azote au même moment.
Pour établir un pilotage dynamique de l’azote, il faut donc, au préalable, obtenir des réponses spectrales « de référence » aux différents stades de la culture. Des données représentatives existent pour le blé, l’orge, le colza et le maïs.
Exemple de cartes fournies lors de la campagne colza 2013-2014 – cartes de biomasse et de préconisation azotée (Vigneau et al)
D’après le dossier TERRA de 2016, les outils comme la télédétection n’augmente pas systématiquement les marges de la culture, ils permettent surtout d’éviter les situations les plus pénalisantes.
Sur les huit parcelles étudiées (blé), six ont reçu des apports inférieurs à la dose préconisée par leurs plans de fumures. L’outil de télédétection, utilisé uniquement pour les calculs du dernier apport a permis, en moyenne, d’augmenter le rendement de 2q/ha avec +0,5% en teneur protéïque des blés. En prenant en considération le coût de la télédétection, le gain de l’échantillon à varié de -20€/ha à +47€/ha.
La télédétection donne accès à de nombreuses données relatives à la croissance et à la santé du végétal. Cependant d’importantes recherches sont encore nécessaires pour optimiser la précision des résultats face aux facteurs de :
- Résolution de l’image (qualité)
- Des conditions météo (couverture nuageuse, vent)
- Délais de traitement des images (réactivité face aux résultats)
- Représentativité et création de références (phénotypage)
La télédétection fait cependant de nombreux progrès dans le domaine, notamment grâce aux drones. Sa rapidité de mise en œuvre permet d’acquérir des données simultanées en grande quantité, augmentant les références en la matière.
Inquiet face à l’utilisation de vos données ? Lire aussi : Quid de la protection des données des agriculteurs
Sources :
- Goffart et al. 2013 : Gestion de la fertilisation azotée des cultures de plein champ. Perspectives d’amélioration de l’efficience d’utilisation de l’azote sur base du suivi du statut azoté de la biomasse aérienne.
- Vigneau et al. : Imagerie aérienne par drone : exploitation des données pour l’agriculture de précision
- Be Api – Intérêts et limites de la télédetection pour diagnostiquer les culture et La télédétection, un outils d’aide au pilotage des cultures
- Dossier TERRA, 28 octobre 2016 – Fertilisation des céréales, le pilotage à l’épreuve du terrain
- ADEME : Optimiser la fertilisation azotée
- Chambres d’Agriculture proposant un suivi de la fertilisation par drone : Centre val de Loire, Allier