« La solution aux problèmes de dégradation des sols ? L’agriculture de conservation des sols ! » 3/3
Cet article est le dernier d’une série de trois consacrée a une longue mais partielle retranscription de l’excellente émission Le Coq Chante de Sayouba Traoré diffusée sur RFI le 5 mars 2017 au cours de laquelle il interview successivement des leaders de l’APAD (Association pour la Promotion d’une Agriculture Durable) que sont Benoît Lavier, agriculteur en Côte d’Or et président national puis Sarah Singla, agricultrice dans l’Aveyron et vice-présidente et enfin Christophe Naudin, agriculteur dans l’Essonne, président de l’APAD Sud-bassin parisien.
Un grand merci à RFI de nous avoir autorisé gracieusement à valoriser sur le blog d’Agrifind ce reportage dont le podcast est disponible également sur le site de RFI.
Sayouba Traoré : Aujourd’hui nous allons découvrir ensemble l’agriculture de conservation avec les responsables (…) de l’association pour la promotion d’une agriculture durable, ou APAD. Nous avons donc un problème la dégradation des sols, et une réponse, l’agriculture de conservation.
Christophe Naudin est agriculteur dans l’Essonne depuis 2013 sur une exploitation de 105 hectares. Dès le départ installé en agriculture de conservation des sols, il est à l’initiative de la création de l’APAD sud bassin parisien en 2014.
Christophe Naudin : Je suis céréalier betteravier. Donc des céréales, du colza de l’orge et plein d’autres choses !
Sayouba Traoré : Vous, vous avez quitté le conventionnel pour adopter l’agriculture de conservation ?
Christophe Naudin : Tout à fait, j’ai entendu l’information sur internet et sur des articles que j’avais trouvés après, je me suis documenté.
Sayouba Traoré : Donc vous avez vu ça et ça vous a intéressé et vous vous êtes dit je vais franchir le pas, mais est-ce que ça s’est fait immédiatement ou il y a eu un temps d’hésitation ?
Christophe Naudin : Alors non, je n’y suis pas passé immédiatement je me suis formé j’ai pas mal échangé j’ai fait beaucoup de kilomètres aussi pour rencontrer des agriculteurs qui étaient dans ce système là et ça a pris quand même plusieurs années avant de me lancer.
Sayouba Traoré : Vous avez commencé en quelle année ?
Christophe Naudin : J’ai commencé en 2014.
Sayouba Traoré : Et les débuts ont été comment ?
Christophe Naudin : Plutôt bon, parce que je n’ai pas eu de déconvenues à part les quelques erreurs que j’ai provoquées moi-même, on va dire des bêtises !
Sayouba Traoré : Quels genres d’erreurs ?
Christophe Naudin : Alors au début, c’était avant que j’achète le matériel donc mon semoir adapté au semi-direct, comme j’effectuais mes travaux avec le matériel existant sur la ferme, j’étais obligé de travailler le sol sur quelques centimètres. Du coup je me limitais à 5 centimètres.
Sayouba Traoré : Mais on a dit que 5 centimètres c’est déjà critique ?
Christophe Naudin : Oui, en effet, la plus importante vie qui se passe dans le sol se situe aux deux trois premiers centimètres et tous les échanges entre le sol et l’air créent toute cette faune et cette vie du sol.
(…)
Sayouba Traoré : Donc après il a fallu vous équiper ?
Christophe Naudin : Il a fallu m’équiper, que je revende tout le matériel qui ne servait plus, tout le matériel de travail du sol et d’acheter un semoir spécifique qui est capable de faire juste un sillon pour mettre une graine et de refermer le sillon.
Sayouba Traoré : Alors vous pouvez nous décrire ce semoir, parce que je connais le semoir mais vous nous dîtes qu’il est spécifique ?
Christophe Naudin : Oui c’est tout simplement un simple disque qui ouvre le sol, dépose les graines et ensuite il y a une roulette de ré-appuie qui referme ce sillon. Du coup après le passage du semoir, on ne se rend même pas compte que le semoir est passé, que le sol est travaillé.
Sayouba Traoré : Mais vous arrivez à faire ça dans le couvert végétal ?
Christophe Naudin : Oui tout à fait, le disque est tranchant et du coup coupe la végétation.
Sayouba Traoré : Entre deux saisons de culture on ne laisse pas le sol nu, on met en place un couvert végétal. Avant le semi la saison suivante, on passe un rouleau qui va écraser ce couvert végétal après quoi l’on passe ce semoir dit spécifique. La difficulté ici c’est de pouvoir aider la plante cultivée à grandir.
Christophe Naudin : Du fait de ne plus travailler le sol, on va enrichir le sol comme avec du composte qui serait déposé sur le sol avec les plantes de couverture qui en se décomposant en fait vont enrichir le sol et du coup le sol plus enrichit va nourrir les plantes que l’on va produire.
Sayouba Traoré : Mais est-ce que cette technique de culture de conservation peut être utilisée pour toute sorte de culture ?
« La technique de culture de conservation est adaptable à tout type de culture »
Christophe Naudin : Alors il est tout à fait possible d’utiliser cette technique pour toutes les cultures, il faudra juste modifier et ajuster au mieux pour la culture et le type de culture et de racine, principalement si l’on prend des tubercules ou des racines il faudra adapter le système mais l’on peut toujours utiliser des couverts pour nourrir le sol.
(…)
Sayouba Traoré : Tout à l’heure je vous ai écouté vous m’avez dit que dans votre région vous aviez commencé à 7 il y a quelques années, et aujourd’hui vous êtes une trentaine ?
Christophe Naudin : A la création de l’association on était 7 agriculteurs réunis
Sayouba traoré : C’était en quelle année ?
Christophe Naudin : C’était fin 2014, et là, en début 2017 nous sommes une bonne trentaine, entre 30 et 35.
Sayouba Traoré : En trois années vous avez une telle progression ?
Christophe Naudin : Il y a de la demande on voit que les agriculteurs s’intéressent à ce système-là. Bon, la conjecture actuelle de l’agriculture y participe aussi.
Sayouba Traoré : Expliquez-moi ça.
« L’agriculture de conservation est une opportunité contre les difficultés économiques »
Christophe Naudin : L’année 2016 comme vous le savez a été assez difficile pour les agriculteurs.
Sayouba Traoré : Je sais que dans le blé il y a eu des soucis ?
Christophe Naudin : Voilà au niveau économique c’est assez difficile pour tout le monde, ce système-là permet de moins dépenser pour produire et du coup d’améliorer la marge en fait.
Sayouba Traoré : Expliquez-moi ça :
Christophe Naudin : Tout simplement si l’on retire le travail du sol, l’énergie, que ce soit la consommation de carburant mais aussi le prix des matériels pour travailler tout ce sol, on dépense tout simplement moins d’argent pour produire sur un hectare de culture.
Sayouba Traoré : Et est-ce que vous arrivez à produire autant ?
Christophe Naudin : A l’heure actuelle moi je débute encore dans le système. Pour certaines cultures, oui je produis autant, pour d’autres il y a une petite baisse de production à l’heure actuelle qui j’espère sera vite comblée, et normalement je pense que j’aurai une hausse de production dans quelques années sur certaines espèces aussi.
Sayouba Traoré : Et qu’est-ce qui vous permet de dire ça ?
Christophe Naudin : Parce que mon sol va s’améliorer, va s’enrichir et donc retransmettra et permettra aux productions de produire je pense, un petit peu plus.
Sayouba Traoré : Ah, cela veut dire qu’au début, bon, il faut avoir le courage de se lancer mais au fur et à mesure qu’on améliore son sol ça va aller ?
Christophe Naudin : Oui le temps que le sol retrouve sa structure verticale, et retrouve sa fertilité plus naturelle et moins chimique, elle permettra un gain de production.
« Sur le long terme l’agriculture de conservation permet une hausse de production »
Sayouba Traoré : Vous voyez quand même que pour cette conversion, cette nouvelle façon de produire, il faut quand même une formation ?
Christophe Naudin : Oui, surtout ne pas se lancer seul, c’est très risqué de partir seul, de ne pas échanger car on peut facilement aller à l’échec.
Sayouba Traoré : C’est pour ça que vous avez pris le temps d’aller à gauche et à droite, de vous documenter, d’aller voir ce qui se passe ?
Christophe Naudin : Oui il est important de pas mal se déplacer, d’aller à la rencontre d’autres agriculteurs qui sont dans ce système-là, pour se former, pour échanger et pour comprendre aussi que ce n’est pas parce que ça fonctionne chez quelqu’un d’autre que ça ne fonctionnera pas chez moi, parce qu’on va se rendre compte qu’au final tous les agriculteurs qui travaillent dans ce système là on les mêmes lignes de conduites, mais seulement ils ont adaptés quelques petites choses chez eux pour que cela fonctionne, et c’est là qu’on se rend compte que ça peut fonctionner chez soi.
(…)
Sayouba Traoré : Je vous remercie !
Christophe Naudin : Merci à vous !
(…)
*** Les interviews de Benoît Lavier et Sarah Singlin font l’objet des 2 autres articles***
Sayouba Traoré : Nous étions en compagnie des responsables et des adhérents de l’Association pour la Promotion d’une Agriculture Durable, un groupement d’agriculteurs qui œuvrent pour la diffusion et le développement de l’agriculture de conservation en France (…) Je vous rappelle que vous pouvez trouver cette émission sur le site RFI. Pour ceux qui veulent nous écrire lecoqchante@rfi.fr. Vous pouvez également consulter notre page facebook le coq chante.
Crédit Photo : RFI / PIXABAY / UNSPLASH
Et vous, pratiquez-vous une agriculture de conservation des sols ? Quels sont vos techniques et facteurs clefs de succès pour progresser et vivre de ce modèle ? Vos témoignages sont les bienvenus dans les commentaires.
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